La toile de Marinette

De nombreuses familles de notre village recèlent dans leurs tiroirs ou leurs greniers de véritables trésors. Il ne s’agit ni d’or ni d’argent, ni de pierres rares, mais d’objets témoignant du patient travail des ancêtres, dont la valeur n’est pas commerciale, mais digne d’un grand respect, tant ces « objets inanimés » nous renseignent sur ce que pouvaient être les vies des anciens habitants de notre village.

Marinette présente les pièces de lin qu’elle conserve précieusement

Lorsque Marinette Carbuccia, 97 ans et toujours bon pied bon œil, fait partager la pulenda à ses convives,  on renverse la bouillie brûlante de farine de châtaignes sur une toile de lin blanc. Selon Marinette, ce linge a été tissé avant sa naissance, par sa grand-tante Irène, la soeur de son grand père.

Les fibres serrées de la pièce de lin

Plus respectable encore, les fibres  qui composent ce linge viennent du lin planté, récolté, roui et teillé à Nocario, à une époque où nombre de villages de Castagniccia vivaient presque en autarcie.

L’évocation de l’histoire de cette modeste pièce de tissu a réveillé dans le cœur de Marinette le souvenir de celle qui la tissa, Tante Irène, que Mme  Carbuccia porte haut dans son affection et sa reconnaissance, car comme cela arrivait dans les familles, cette grand-tante n’eut « jamais le temps de se marier », bien qu’un prétendant l’ait attendue toute sa vie. C’était elle qui s’occupait de ses 6 neveux et nièces pour permettre à la famille d’assumer tous les travaux de subsistance. C’est d’ailleurs en honneur de cette femme remarquable que l’une des filles de Marinette porte son nom.

Le bassin où se faisait le rouissage est depuis longtemps comblé. Marie-Noëlle, nièce de Marinette, possède encore le rouet qui servait à filer les fibres de lin.

L’ancien rouet

Avec ces quelques pièces de tissu, c’est tout ce qu’il reste de cette activité de tissage dont on admire aujourd’hui le savoir-faire villageois. Avoir sur cela un regard attentif et reconnaissant est bien le moindre remerciement qu’on peut exprimer aujourd’hui, où si l’on est dans de beaux draps, ce ne sont plus ceux fabriqués par les mains fortes, expertes et patientes de nos ancêtres.

 

2 réflexions sur « La toile de Marinette »

  1. Magnifique! Merci et merci à Marinette!
    Émouvant objets inanimés, pour moi aussi les objets de la « culture matérielle » en disent long sur ce qu’est ou a été la vie quotidienne. Précieux objets et… précieux souvenirs!

    1. J’ai essayé de chercher des renseignements sur la culture et le tissage du lin en Corse. Il est certain que le lin (ainsi que le chanvre) était cultivé, mais j’aurais aimé trouver de la documentation sur les pratiques rurales de cette époque.

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